[HAPPY STORY] #4 Ne pense surtout pas à un éléphant rose !

[HAPPY STORY] #4 Ne pense surtout pas à un éléphant rose !

04-04-2019

Pour nous suivre :


- J’en reviens pas, c’est toi le surfeur pro ? Je t’ai vu dans Surf Session à côté des plus grands ! Et là, tu es en face de moi. Josh, tu crois qu’on va bosser ensemble ?

- Je ne crois pas. Je viens renseigner leur foutu dossier et je repars.

- Ah bon, tu ne restes pas avec nous pour le pot de bienvenue ? Cela va être sympa. On est une bande de jeunes ultra-motivés et…

- Et justement, je dois être le plus vieux d’entre vous. Tu sais, je n’ai plus votre enthousiasme. Je t’avoue que j’ai envie d’être un peu seul.

- Je comprends. Je me demande même pourquoi tu étais là ? Tu as besoin de bosser ? Tu n’a pas gagné assez d’argent pendant ta carrière ? Et un moment, tu étais avec une super nana, comment elle s’appelait déjà ?

- C’est pour toutes questions que je ne veux pas venir à ce pot. J’en ai marre d’y répondre.

- Désolé, je suis tellement content de te rencontrer. 

- Ne me dis pas que tu avais des posters de moi dans ta chambre…

- J’avais plutôt ceux de Kelly Slater, Martin Potte, Leard Amilton « Waterman » ou encore ce fou furieux de Robert Teritehau mais tu n’étais pas loin .Surtout lorsque tu as gagné cette fameuse compète…

- On oublie stp, cela remonte à des années...Je n’ai pas envie d’en parler. Tu as fini de remplir les documents ?

- Je télécharge mon CV, ce sera plus simple. Regarde là, en bas à droite de l’écran, tu as un bouton pour le faire aussi si tu veux.

- Je n’ai pas de CV.  



Josh n’a pas son bac. Il ne l’a pas passé. Et puis quoi encore ! Il se fait exclure définitivement du pôle espoir de Surf et il faudrait qu’il le passe en candidat libre ou via une filière générale. Il s’en foutait de ce bac. Il savait bien qu’il ne servait à rien. Juste un badge pour accéder à un entretien. Il voulait vivre du surf. Il ne voulait pas pointer ni dans une entreprise et encore moins dans la maison qui l’avait snobé avant de s’en débarrasser en lui envoyant un bout de papier. Aucun « vrai » contact. Un courrier. A quoi bon pouvait-il bien servir ce diplôme, ce sésame qui soi-disant était indispensable dans les années 90…et qui le serait tout autant maintenant, quelle farce ! 


Par contre, il fallait bien qu’il croûte et ce n’est pas avec l’équivalent de 150 Euros que sa mère réussissait à lui envoyer tous les mois que ça suffirait. Elle faisait ce qu’elle pouvait. Son mari et elle n’avaient pas le bac non plus. Ils avaient tout sacrifié pour leur « carrière » respectives qui n’en fut pas une finalement. Heureusement, ils avaient leur brevet des collèges qui dans les années 60 signifiait encore quelque chose, un certain niveau. Calcul mental au point, grammaire et orthographe maitrisées, dictées sans faute…Cela lui avait suffit à la maman de Josh pour devenir prof de sport dans un collège. Elle impressionnait avec sa largeur d’épaules et ses immenses jambes. Son surnom « la sauterelle ». Comme celle qu’on trouve dans le Pacifique. Des immenses sauterelles vertes (marron pour les mâles qui sont beaucoup plus petits) qui peuvent atteindre 20 cm et font un bruit d’enfer lorsqu’elles dévorent les feuilles de palmiers ou de cocotiers dans les jardins. 

Elle bougeait et se déplaçait comme si elle était en chambre d’appel avant une compétition. Concentrée, des gestes simples et maîtrisés, avare de mots. La plupart étaient inutiles. Ces grands yeux joueurs éclairaient tellement son visage lorsqu’elle voulait passer un message que les mots avaient peu d’intérêts. Les élèves se sentaient pousser des ailes à ses côtés et celles et ceux qui savaient que son fils était Josh débordaient encore plus d’enthousiasme et d’envie de lui montrer qu’ils pouvaient aussi être des champions.


Le père de Josh travaillait à la mairie. Cela lui convenait parfaitement. A l’équipe municipale aussi. Elle pouvait lui faire confiance. En plus, en cas de soucis, il pouvait impressionner son monde avec sa carrure. En 30 ans, Il n’avait pas eu besoin de vraiment s’en servir. Tant mieux car c’était un vrai nounours. Quand il ne buvait pas. Et en fin de compte, hormis avec les copains du rugby qui savaient appuyer là où cela lui faisait mal, il n’avait pas vraiment d’occasion de boire quelques verres de trop. En plus, Josh n’était plus là. il n’avait plus personne sur qui taper. 


- J’attends la vague, je me sens bien dans mon corps et il me le rend bien. J’attends la vague, je suis prêt pour remporter cette compétition. Les conditions sont exceptionnelles aujourd’hui. Elles sont parfaites pour mon style. Je me sens super…

- Josh ?! Tu rêves ? 

- Je me sens super bien dans l’eau…

- Josh, tu me dis que tu n’as pas de CV et tu te perds dans tes pensées… 

- Désolé, je me revoyais à ma première compet’ à Hossegor il y à 30 ans et c’est comme j’y étais…

- Tu y étais ! Il n’y a pas de passé ni de futur, nous ne vivons que le moment présent, moment après moment. 

- Oui, c’est ça, je viens de te dire que c’était il y a 30 ans…c’est bien le passé, non ?

- Si tu veux mais grâce à la puissance de ton imagination, de ta visualisation, ton cerveau réagit comme si c’était maintenant, comme si c’était vrai. 

- Je connais évidemment la visualisation. Tous les sportifs de haut niveau la pratiquent mais de là à dire que le temps n’existe pas…

- Ce n’est pas exactement ce que je voulais dire mais tiens on va faire l’exercice du citron, tu veux bien ?

- Du citron vert pour ma caïpirinha, je veux bien !

- Si tu restes avec moi pour le pot de bienvenue, je te jure que je te trouve une caïpi ! Alors, tu es prêt ? 

- Yep !

- Tu imagines que je tiens dans ma main un superbe citron jaune avec sa belle peau rugueuse…Tu me suis ?

- Jusque là, c’est plutôt facile…

- OK, il fait super chaud et tu aimerais que je te prépare un jus de citron bien frais

- Il fait pas super chaud mais j’imagine…

- Exactement ! 

- Je prends un couteau et je commence à couper le citron, tu vois le couteau qui va et vient, tu entends le bruit des dents qui atteignent la chair du fruit, tu as l’impression de recevoir des gouttes qui giclent sur toi…

- Tu serais pas en train de me faire le même coup « surtout ne penses pas à un éléphant rose ? » et forcément tu y penses ?

- En fait, si tu commences à saliver comme si tu allais manger un citron, c’est pour que tu réalises la puissance de l’imagination…pour ton cerveau, c’est la réalité.

- Je salive…Je comprends mais tu le sais je m’en suis servi pendant toute ma carrière de la visualisation, cela a pas mal marché. Pas autant que je l’aurais voulu. Kelly doit en faire un paquet en plus du yoga, de la méditation…

- C’est sûr, en plus d’être doué et de s’entrainer encore et toujours, tout jeune, il s’est fixer un objectif précis de carrière qu’il a gravé en lui : être le plus grand champion de surf de tous les temps et en vivre. A chaque compétition, il a appris à utiliser ses 5 sens en même temps. Il se voit sur la vague, il entend l’eau autour de lui, il ressent le contact de ses pieds sur la planche, il sent la wax, l’air marin et lèche les gouttes d’eau salée sur ses lèvres…il rentre dans une sorte de méditation active, d’auto-hypnose car ses 5 sens sont sollicités… 

- J’aurais bien voulu le savoir avant ! J’aurais pu le battre plus souvent ! 

- Josh, tu sais bien qu’il n’y a pas que ça. Il y a aussi les programmes inconscients en chacun de nous qui font quelquefois que sans le savoir consciemment, on n’aime pas forcément l’argent, la victoire et on ne gagne pas autant qu’on le voudrait en apparence.

- Woauh, il faut que tu me dises pourquoi tu es là ? Cela va être quoi ton job chez Google ?

- Je ne peux pas trop en dire mais ce serait d’améliorer notre algorithme afin de le rendre plus humain encore…

- Tu veux dire d’anticiper encore plus nos choix et décisions ?

- En quelque sorte..- Punaise, je crois que je vais retourner sur ma planche, personne me dit ce que je dois penser quand je suis à l’eau ! 




Partagez cette actualité :

0 Commentaire(s)

Ajouter un commentaire

Ceux qui ont consulté cet article, ont également regardé :

Les pères oublient
+
Les pères oublient
13 May 2017

"Les pères oublient"En lisant ce matin "Dale Carnegie à l'ère numérique" basé sur le best-seller original, je retombe sur ce texte qui a bouleversé des millions...

[Tout est possible] Une micro-ferme en permaculture sur l’île de Beauté
+
[Tout est possible] Une micro-ferme en permaculture sur l’île de Beauté
13 May 2017

33 ans après un bac B, je suis fier d'être titulaire d'un bac pro vitivinicole avec 15,20 de moyenne. Maintenant, au boulot pour devenir paysan-vigneron en Corse...

Reconversion Vigneron
+
Reconversion Vigneron
13 May 2017

Le passage symbolique des 50 ans a confirmé un doux rêve que j'ai depuis longtemps : devenir vigneron. A mes amis et anciens associés en Nouvelle-Calédonie, je leur...