[HAPPY STORY]#5 Naissance d'une blessure

[HAPPY STORY]#5 Naissance d'une blessure

11-04-2019

Pour nous suivre :

- Où est ce putain de dossier ?!!!!! J’en ai vraiment plein le cul de cette bande d’abrutis ! Que celui qui a un cerveau, pas la peine de demander à une gonzesse alors, m’amène ce putain de dossier ! Je m’occupe de tout dans cette boîte !  

- Hiro, calmez-vous s’il vous plait, je vais vous le trouver ce dossier, il doit trôner sur un bureau…

- Je ne t’ai rien demandé Nathalie ! En plus ce n’est pas à toi de chercher ce foutu dossier !

- Je sais bien Hiro, j’aimerais juste que vous vous calmiez, ce n’est pas bon pour vous…

- Ça va, Ça va…merci Nathalie, mais arrêtez de me parler comme un vieux croulant ou un malade qui va bientôt mourir !

- Vous avez quand même votre piqure d’insuline à prendre régulièrement

- Oui, je sais…je gère…Vous le savez…En plus, maintenant, j’ai une sorte de pompe automatique.


Une relation étrange s’était progressivement installée entre cette belle petite brune discrète (qui devait avoir des origines d’Amérique Centrale ou du Sud) aux petits soins de cet européen de souche avec un si joli prénom polynésien. « Demi-Dieu », dans son entourage, beaucoup pensaient plutôt à « grosse merde » mais difficile de trouver l’équivalent en polynésien…


Ce fils unique, un pro dans son domaine, pouvait péter un plomb pour un détail . D’où venait cette colère ? 


Il avait passé son enfance à Tahiti. Dans les années 70, ses parents expatriés avaient décidé de rester après leur mission respective plutôt que de repartir dans la grisaille métropolitaine. Il faut dire que la Polynésie Française à cette époque était une destination de rêve avec un tourisme peu développé. Une douceur de vivre longtemps inégalée. Ça et là, des hôtels se construisaient avec leurs magnifiques farés sur l’eau et ce sentiment de reproduire un fragment de l’aventure romancée des rescapés du Bounty était profondément ancré dans l’imaginaire…masculin.


Les femmes étaient belles et si langoureuses. Tout pouvait leur être pardonné avec leur manière de rouler les « r » lorsqu’elles vous appellent « Mon cherrrrrrrri » 

Le père d’Hiro fantasmait sur ces formes tannées par le soleil. Il s’enivrait dans la rue de ces parfums de monoï, de coco, de fleurs de tiaré…


La mère d’Hiro, plutôt grande et sèche voyait bien que son mari était émoustillé par cette ambiance tropicale bien éloignée de ses habitudes. Elle lui faisait confiance et elle y gagnait plutôt au change. En métropole, son mari était distant. Comme si la pression du travail, la météo, l’ambiance générale avait une influence sur sa libido. La fréquence de leurs galipettes avaient diminué. Elle avait mis ça sur le compte d’un début de routine. 

A leur arrivée à Tahiti, elle constata un changement soudain. Plutôt que d’être flattée, elle se questionna à propos de l’alimentation, du changement de rythme de travail, des nouvelles connaissances. Comment oser imaginer que cela pouvait venir d’elle ? Avec cette température, elle était constamment habillée en tenue légère et elle n’était pas obligée d’attendre les 2 mois par an habituels en France pour se mettre en maillot de bain sur la plage. Un maillot de bain qui ne lui allait pas forcément ou ne la mettait pas en valeur car elle ne le portait que trop rarement. Alors que là, il suffisait de cacher ce qu’elle n’aimait pas en elle (plutôt ses jambes) avec un paréo et le tour était joué…Elle était une belle femme selon les critères européens. Peut-être moins selon les critères polynésiens. Son mari commençait-il à les préférer ?


Après plusieurs années à Papeete, ils ont voulu fuir la ville paisible qu’ils avaient connue à leur arrivée et qui maintenant débordée de voitures, de bruit, de pollution… Après avoir vécu quelques temps à Moorea puis à prospecter pour acheter une pension de famille aux Tuamotu (et en profiter pour gouter le vin produit à Rangiroa et ses deux vendanges par an), ils décidèrent finalement plutôt que de rentrer en métropole après tant d’années de tenter l’expérience en Nouvelle-Calédonie. L’état d’esprit y était parait-il plus européen qu’en Polynésie. La question était de savoir comment ils seraient accueillis alors que les évènements venait d’avoir lieu là-bas. 


Hiro venait d’avoir 18 ans et après une fête bleue au « Royal Kikiriri », une bringue digne de son passage à l’âge adulte, alors qu’il rentrait à pied chez lui, il aperçut la voiture de son père garée sur le côté. Il accéléra le pas pour le rejoindre :


- Papa, super merci d’être venu me chercher ! 

- Avec plaisir mon fils, ce n’est pas tous les jours qu’on a 18 ans. Tu as respecté notre contrat de ne pas conduire. Je sais et je sens que vous avez bien picolé. Montes. Tu connais Herenui ?

- Bien sûr, tu étais aussi au Kikiriri, je ne t’ai pas vue ?

- Je t’ai vu Hiro avec ton groupe de potes, des fous furieux ! Je n'ai pas osé de te déranger.

- Tu aurais dû, on avait de quoi faire la fête pendant 3 jours d’affilée !

- Les enfants, je ne veux rien savoir. Allez, direction la case et je pars au plus vite à Teahupo’o, les conditions sont top. Herenui, je te dépose juste avant. Je crois savoir que tu habites pas loin de chez nous…

- Tu sais bien où j’habite…

- Oui, oui...dans notre quartier mais la maison exacte..

- Ah oui, c’est vrai je suis bête…


Hiro n’avait pas du tout aimé ce moment car même s’il n’était pas en état de bien comprendre ce qu’il s’était passé, c’est certain que sa chère Herenui devait rester dans sa branche (les télécoms chez Tiki Phone) et de pas se reconvertir dans le théâtre…Que pouvaient-ils bien mijoter tous les deux ? C’est bien la première fois qu’il voyait son père avec une autre femme que sa mère. En plus, Herenui était toute jeune. A peine 20 ans. Les voir complices tous les deux...Pourquoi avait-il autant bu et fumé ? Il savait qu’il ne pouvait pas se fier à cette impression.


Le départ pour Nouméa approchait. Les doutes d’Hiro s’étaient envolés. Son père se comportait comme toujours et ne semblait pas du tout affecté par l’épisode Herenui. Cela devait-être perturbant uniquement pour Hiro qui avait mis ça sur le fait d’avoir trop bu.


La seule condition qu’avait émise son père pour s’installer à Nouméa était de pouvoir surfer. Il fallait un bateau pour rejoindre le spot qui n’était pas comparable à Teahupo’o mais il y avait de quoi s'amuser.


- Tu te moques de moi ?Tu es vraiment le champion, le n°1, la crème de la crème des menteurs

- Ma chérie, qu’est-ce que tu racontes ? On est sur le départ pour Nouméa, je suis trop content d’y aller. On commençait à tourner en rond ici, on est tous les 3 d’accord là-dessus et…

- Tout à l'heure, en partant, tu as oublié ton portable. J'ai couru comme une conne pour te l'apporter et sur l’écran d’accueil je tombe sur le message de Miss Tiki Phone !

- De quoi tu parles ? De quel message ?

- Regarde par toi-même s'il te plaît 

- « J’en ai marre d’être la boniche, je veux être ta reine. Je sais que tu l’aimes et que tu pars avec elle en Calédonie. Je ne le supporte pas. Je vais lui dire »


Hiro referme tout doucement la porte de sa chambre. Enfonce la tête dans son oreiller pour contenir la haine qu'il ressent à ce moment contre son père. Quel con mais quel con je suis ! 



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